Temples et taoïstes dans les villes chinoises modernes

Mercredi 17 octobre 2007

« Temples et taoïstes dans les villes chinoises modernes »
Par Monsieur Vincent Goossaert, chargé de recherche au Groupe Sociétés Religions Laïcités (EPHE-CNRS).

Vincent Goossaert a abordé avec fougue et enthousiasme les rapports entre les temples, le clergé et la population dans le taoïsme contemporain.


© Vincent Goossaert

Prêtres taoistes célèbrant un rituel communautaire
dans un village de Hong Kong,
janvier 2007 

Sa recherche l’a conduit aussi bien en Chine continentale, qu’à Hong-Kong ou à Taïwan, embrassant ainsi une pluralité culturelle mais, néanmoins, toujours chinoise. Ces deux derniers pays faisant un peu office de conservatoire dans la mesure où beaucoup de temples ont été détruits en Chine continentale et où on a tenté, pendant quatre générations, d’éradiquer la culture religieuse. Cependant, aujourd’hui, de nombreux temples sont reconstruits ou restaurés en Chine continentale, malgré un cadre bureaucratique très rigide.

A quoi servent les taoïstes dans un système religieux pluraliste compétitif ?

Les temples offrent un certain nombre de services :

  • Traitement par la TMC (médecine chinoise traditionnelle au moyen d’herbes ou d’acupuncture) pour des guérisons ou des solutions au mal-être. Les praticiens taoïstes sont appréciés et recherchés pour leur connaissance de la TMC, la transmission du savoir se faisant de maître à disciple.
  • Certains taoïstes pratiquent les thérapies symboliques au moyen de rituels (ceci étant interdit en Chine continentale).
  • Conseil aux personnes, dans un rôle qui peut parfois s’approcher de nos psychanalystes, et formation de disciples laïcs. La formation peut être personnalisée telle que la transmission de la culture classique : la calligraphie, lire et réciter les écritures, la musique ou l’apprentissage de la méditation.
  • Divination proposée non seulement aux membres de la communauté mais à des étrangers au temple. La divination correspond à un rapport direct entre l’individu et la divinité, mais l’interprétation de l’oracle demande l’aide d’un taoïste (daoshi : « lettré du Dao »).
  • Transmission de la culture religieuse : comment se comporter dans un temple, quels gestes doit-on faire, comment faire brûler l’encens ou la monnaie d’offrande, etc. (chacun en naissant crée un compte dans la trésorerie céleste avec une dette qu’il faudra rembourser durant sa vie, les bonnes actions sont un moyen de régler sa dette, mais brûler la monnaie d’offrande en est un autre. D’autres types de monnaie d’offrande servent à amadouer les intermédiaires entre les divinités et les hommes. Chaque type de monnaie d’offrande sert un but différent et on ne brûle pas la même pour un défunt que pour demander une faveur !)
  • Rituels personnalisés : rites funéraires, propitiatoires etc.
  • Vente de talismans et autres outils religieux.
  • Accueil des pèlerins. Les associations, souvent formées en bonne partie de femmes en retraite, se rendent régulièrement dans les sites sacrés, parfois fort éloignés : temples tels que les huit grands temples de Hangzhou ou montagnes sacrées telle le Wudang shan proche de Wuhan, dont les flancs sont parsemés d’une vingtaine de temples. Ces pèlerinages ont non seulement pour but de purifier les participantes mais aussi toute leurs familles.
  • Grandes célébrations annuelles : rites pour le salut des âmes souffrantes, rituels funéraires (services autrefois très coûteux mais qui tendent à se démocratiser grâce à une certaine standardisation).
  • Services para-religieux tels que les restaurants végétariens qui sont annexés aux temples. Non seulement la nourriture y est excellente mais aussi elle y est plus pure que dans un restaurant végétarien non-taoïste : c’est un mode de purification, une forme d’ascèse.

© Vincent Goossaert

Un taoïste devant les oracles divinatoires
de son temple, Jiugongshan, (Hubei),
juillet 2007

 

Il existe différents groupes taoïstes :

  • les monastères Quanzhen, élite définie par l’ascèse et la discipline.
  • Les temples Zhengyi, très souvent au centre des systèmes rituels locaux jusqu’au début du 20ème siècle.
  • Les temples construits par souscription, propriétés d’une famille religieuse, représentant un idéal clérical de retraite et d’indépendance.
  • Une des mutations religieuses dans les villes chinoises modernes, surtout dans les mégapoles, est la création d’autels privés taoïstes (dao tan) qui offrent des services religieux, des guérisons ou des divinations.
  • Il existe aussi des boutiques funéraires taoïstes qui fournissent tout les éléments nécessaires et indispensables au salut des âmes.

 

Si tous ces services sont en pleine expansion, il faut tout de même constater le déclin des rituels taoïstes de plusieurs jours (jiao) commandités par les groupes territoriaux (villages, quartiers) au profit de démarches plus individuelles. Ces rituels coûtent fort cher et, de plus, les villages disparaissent. Ces rituels sont organisés pour que la position du dieu local soit reconnue au sein du panthéon et par là-même pour renforcer la position du chef de village.

 

 

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